Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/220

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prend équilibre mais le pantalon accroché au passage se déchire et le fusil prisonnier d’une liane vous repousse en arrière, vous fait perdre de nouveau l’équilibre alors que, nerveusement, vous cherchez à tirer au lieu de trancher, et vous voici par terre, sur des feuilles et, en dessous de ces feuilles, un tapis de piquants d’avoara, les mains zébrées par les herbes coupantes, l’œil rouge d’avoir été éborgné ; on avance pas à pas ; le sabre à la main dont le fil, déjà, est retourné d’avoir tant et tant taillé. Marcher en forêt, c’est aussi se glisser, ramper, marcher à genoux, à quatre pattes pour franchir un obstacle. C’est se barbouiller de toiles d’araignées gluantes, se couvrir de fourmis, défoncer un nid de mouches méchantes et se retrouver enflé, meurtri, harassé, épuisé, saignant, prêt à mettre le pied à l’endroit précis où une seconde auparavant un petit serpent noir et terriblement venimeux se tortillait dans une tache de soleil et le voir filer prestement mais avec la crainte de le retrouver sans pouvoir l’éviter dans ce tas de branches, dans ce trou herbeux, accroché à cette liane froide et fine et humide qui glisse dans le cou et menace de vous étrangler, cependant que vous frissonnez, prêt à hurler de terreur, croyant déjà sentir l’étreinte de l’anaconda ou les crocs du gruge. Alors, instinctivement, on porte la main à sa poche pour s’assurer de la présence du garrot, de la seringue et du sérum dans leur trousse. Alors seulement on est un peu rassuré… mais c’est alors, comme cela vient de m’arriver, que l’on met le pied sur une fourche élastique qui se referme comme un piège, serrant la cheville à faire crier et l’enserrant si fort qu’il faut longtemps pour se dégager, meurtri, mal en point et repartir boitant bas. On rage, on jure on serre les dents, on avance tout de même, de