Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/221

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plus en plus flagellé, déchiré, saignant — pas précautionneux qui ne servent à rien pour éviter ce que l’on redoute, on affecte la démarche de l’homme ivre courbé sous le poids, d’un sac.

En arrivant enfin au camp de la ripaille, je me suis écroulé. La cheville prise par la fourche est difforme, l’enflure est violacée… manque de chance, c’est justement celle qui s’était amochée lors de mes sauts de parachutiste.

J’ai repris, des forces, un bon bain, massage, bandage. Bah ! la journée a été pénible mais il y en aura encore d’autres et de plus belles, car marcher en forêt ce n’est pas seulement un calvaire, c’est aussi parfois et souvent un plaisir enchanteur.

L’eau du criquot versée à pleines casseroles sur ma tête me met en forme. Le corps refroidi, vivifié, je reste longtemps assis près du boucan à fumer la pipe. Il fait un temps de grisaille, un temps d’hiver en France et je me suis souvenu que ce soir l’on fête la Noël. J’ai pensé à mes parents comme ils ont dû penser à moi et je les ai sentis très proches, puis j’ai réveillonné avec le hocco (en compagnie de Boby) restant d’hier et du ouistiti-main-dorée. J’ai encore faim ! malgré tout, la fringale n’est jamais tout à fait apaisée, il manque au gibier quelque chose que je ne possède pas : du couac pour l’accompagner.

Il me reste, en guise de provision, la tête et les deux bras du macaque. J’ai mis du mercurochrome sur mes blessures et, allongé dans le hamac, j’ai attendu que la nuit arrive. Elle vient tôt, d’ailleurs, vers six heures, et, comme je dois économiser mes bougies, à sept heures je dors pour me réveiller à 2 h. 30 du matin.