Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/234

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pérer. Soixante-quinze kilomètres de bois à tailler, de rapides à passer, dont quelques-uns redoutables !…

Au fond, ce ne serait rien si j’étais fort, si je mangeais ne serait-ce qu’une fois par jour… Hélas, mes forces tiennent surtout dans mes nerfs. Malgré le chaud soleil qui brûle la roche, j’ai froid, j’ai toujours froid depuis quelque temps, je frissonne sans arrêt… sous l’Equateur !

Manger ! ah ! manger… Impossible de pêcher, j’ai exploré la crique dans tous les azimuts, les eaux sont trop basses et pourtant, chaque jour, le soir surtout, il pleut ; mais nous ne sommes qu’à la petite saison des grandes pluies de Décembre à Janvier… Je ne vais tout de même pas attendre le déluge de Mai !…

Oh ! que je suis las aujourd’hui. Je pense à la maison, à vous deux ! Maman, maman ! combien j’aurais besoin de ton amour aujourd’hui !

Je suis retourné à la chasse… rien ! Mais pourtant, je veux vivre, être fort, m’en sortir, manger. Je veux revoir mes parents, les embrasser, les rendre heureux ; je puis tellement les chérir ; pauvres ou riches, qu’importe, si nous sommes tous les trois. Oh ! mon Dieu, faites-moi vivre, accordez-moi la grâce de les revoir.

Combien, crique tant espérée, tu me parais désolée ! que tes rives sauvages sont désertes comme tes eaux, glacées et indifférentes. Et puis, il y a le bruit incessant et régulier de la chute qui m’obsède, m’abrutit.

J’entretiens toujours du feu, dans l’espoir de tuer quelque chose, afin de pouvoir le rôtir aussitôt… et puis, le feu, au moins, ça fait vivant ! Mais hélas, le boucan est vide… Oh ! combien j’ai faim, mon Dieu. J’ai trouvé un pinot Je l’ai abattu, décortiqué, mangé ; c’est toujours ça… Puis, songeant à vous deux, oh ! mes