Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/235

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parents chéris ! songeant à vous qui voulez me revoir, je me suis remis au radeau. J’ai encore lié des traverses, abattu un bois canon, commencé à le débiter. Non, Dieu ne m’abandonnera pas ! Je dois souffrir pour réussir mais je reviendrai et ceci est ma pénitence pour n’avoir pas assez prié ces dernières années.

Il n’est pas si simple qu’on l’imagine de construire un radeau, sans clous ni cordages, ni scie, ni poutre, ni planches. Une hache, un sabre, des lianes qu’il faut aller chercher parfois bien loin dans le bois pour trouver celles qu’il faut et qui, malgré tout, n’ont pas tellement de souplesse. Mais enfin, on y arrive. Ce n’est pas bien beau, ni très bien ajusté mais ça tient, ça flotte tant bien que mal et ça vous porte, vous, les bagages, un peu mouillés, mais qu’importe. En mer ou sur un fleuve, on peut construire quelque chose de large, de stable… ici, dans ces couloirs aquatiques parfois tellement resserrés qu’ils ne sont pas plus larges qu’un mètre ou deux, il faut de la sveltesse ; de la légèreté… demander cela à un radeau, évidemment, ce n’est pas possible !

Demain matin je pars : trente-cinq kilomètres jusqu’au Camopi, quarante environ jusqu’au village de prospecteurs (Bienvenue).

Je pense couvrir cela en vingt jours car, le plus souvent, au lieu de naviguer, je devrai tirer le radeau, le haler sur les fonds caillouteux ou sableux.

Exceptés les sauts, le Camopi ne présentera pas, je pense, les mêmes difficultés. En tous cas, avant le départ j’espère bien manger, ne serait-ce qu’un petit poisson, un petit oiseau… En forêt, dans ces conditions, c’est la Providence qui vous sert. On marche des heures, des jours, explorant les coins et recoins de la grande forêt sans rien découvrir et puis, lorsque, fatigué,