Quel froid ! et dire que nous sommes sous l’Équateur ! J’ai un anorak de chasse conservé par miracle en plus de ma chemise et parce qu’étant imperméable : je l’enroulais autour de la caissette de pellicules. J’ai mon short, ma couverture ; la moustiquaire est bouchée, le feu tout proche ranimé et je frissonne sans arrêt. De toute manière, l’aube est glaciale en saison de pluies. Pour les Tumuc Humac, j’aurais dû prévoir un assortiment complet de lainages.
Une semaine de passée sur la nouvelle année… car, au fait, nous sommes en 1950. Le Jour de l’An a été pour moi un jour comme les autres, sans plus. Évidemment, j’ai songé à tout ce qui se passait à la maison, aux petits cousins venant avec l’éternel « Bonne année », aux fleurs, aux petits cadeaux, aux embrassades… J’ai souhaité une bonne année à mes parents et puis, j’ai tout fait pour ne plus y songer… et j’ai réussi ! Allons ! si pénible soit-elle, cette aventure est merveilleuse et le sera encore davantage dans mes souvenirs. Comme disait l’un de mes bons vieux professeurs :
— Ratiotionnons… allons !
Et il détachait les syllabes… Eh bien ! oui, ratiotionnons, on en sortira que diable. Courage, patience, ne pas perdre son sang froid et, avec l’aide de Dieu, tout cela finira bien. Et puis, s’il n’y avait pas tous ces petits ennuis, quel intérêt aurait eu ce raid ?
Pas de bêtes fauves ; pas d’Indiens sauvages, pas de coups de révolver ni de chevauchées héroïques… rien de ce qui faisait le charme du « Matto Grosso ». Simplement, un petit train-train de broussard solitaire, qui possède un charme aussi prenant mais plus, discret par ce que noyé par la solitude et le silence des grands bois déserts.