Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/246

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Je suis retourné à l’oranger qui est, hélas, solitaire, mais après une course harassante dans le bois, à demi endormi, j’aperçois un rapace énorme, volant très haut par dessus les cimes, qui s’abat soudain sur l’une d’elles. Je le guette, le suis, cherche dans le feuillage dense, l’aperçois, J’ajuste. C’est alors que survient un couple d’aras coléreux qui le chassent et le poursuivent à grands cris, hors de portée. Pestant contre ces importuns, me fiant à leurs cris perçants, je continue, espérant retrouver tout de même le trio.

Je perds les aras mais retrouve le rapace, tout blanc, tacheté de beige, posé, se remettant sans doute de ses émotions. Il est sur un arbre situé au flanc d’une colline ; je tire, il chancelle, se reprend, se pose plus loin… nouvelle poursuite. Des feuilles se tachent de son sang qu’il éparpille d’un vol faible ; je suis plein d’espoir et soudain il disparaît dans une cime tellement feuillue que malgré mes efforts je ne puis le retrouver. Désespéré, talonné par une faim de loup malgré les oranges de la matinée, je tourne et vire essayant de trouver.

La journée se termine, je ne veux pas recommencer l’aventure du pécari, alors je décide de rentrer.

Je m’assois un instant sur un géant couché et vermoulu… mes yeux suivant sa perspective se posent sur une tache jaune entre deux morceaux de tronc, au ras de terre…

je m’approche et n’en crois pas mes yeux… une tortue ! aussitôt saisie, je la retourne, place deux batonnets sous la carapace, l’un devant, l’autre derrière, lie le tout solidement avec des lianes et, passant ma corde sous cet assemblage, l’installe sur mon dos et, tout heureux, arrive au camp. Vite du feu ! nettoyage de la casserole — les braises vont bon train… à la tortue !