Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/247

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

La préparation d’une tortue est devenue pour moi un rite sacré et immuable, car c’est un véritable régal et je sens un nouvel afflux de force et d’optimisme à chaque digestion de cet animal providentiel qui, dorénavant, me servira de fétiche.

Avec amour et pitié j’entreprends à la hache de séparer la carapace. C’est un travail fort délicat et assez long car la carapace est dure, la hache glisse et il s’agit de bien retirer le plateau inférieur sans ouvrir les tripes, ce qui serait un désastre.

Lorsque les quatre attaches de corne sont tranchées et le plateau découvert, je scie avec mon couteau à cran d’arrêt la peau y adhérant encore, puis il faut faire une sacrée, force pour arracher cela, mais on y arrive.

Je suis dans l’eau jusqu’aux genoux, les petits poissons attendent leur pâture en mordillant mes jarrets, et la tortue, posée dans un creux de rocher, enfin ouverte, n’a pas perdu une goutte de son sang précieux. Je racle soigneusement le plateau inférieur, des bribes de chair y adhérant, puis retirant les intestins et l’estomac, je les presse, les vide, les ouvre, les tranche, les lave et… à la casserole !

Absolument rien ne doit se perdre — au tour du foie, du cœur, des rognons ; enfin, de la tête et du cou. La casserole est presque pleine, je verse alors tout le sang recueilli dans la carapace pour achever de l’emplir, puis je compose le menu.

En y réfléchissant, je tempère l’ardeur du feu afin d’obtenir une bonne braise, sans flamme ni fumée.

Le sang, ce soir, sera bouilli… la prochaine fois, il sera frit ; cela, suivant mon caprice donne une pâte à boudin au fumet délicat. La carapace me sert de plateau à viande. J’y laisse, avec les poumons, l’arrière-train et