Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/252

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Alors que je mangeais, un gros corbeau est venu me rendre visite ; il s’est posé sur une branche toute proche, bien tranquillement, impeccable dans son habit de soirée, me regardant sous toutes les coutures. Je fais le geste de saisir la carabine… hop ! le voilà parti, disparu. Dommage maître corbeau, vous auriez servi de potage et de rôti.

Je suis retourné chercher des escargots, épuisant le marécage avec dix douzaines cette fois, gros et petits, tout y a passé ; mais après les avoir fait bouillir, afin de retirer l’odeur de la vase et cette viscosité un peu écœurante, je les ai fait rôtir dans la casserole, à sec, et même un peu brûler. C’est nettement meilleur. Je repars à nouveau, je veux satisfaire à tout prix ma faim, reprendre des forces. À nous deux, maîtresse jungle, je t’exploiterai à fond comme jamais souteneur ne l’a fait de sa maîtresse.

J’ai couru, j’ai, couru, j’ai fouillé, remué de fond en comble les taillis, les vieux arbres, les marécages et, au flanc d’une colline je tombe sur un gros fruit vert, de forme ovoïde, à peine piqué par les oiseaux et d’un volume tel que je suis tenté, le ramasse, l’ouvre d’un coup de sabre. Qu’est-ce donc ? En tous cas, chose rare en forêt ! car les fruits ne tombent que lorsqu’ils sont pourris ; et mûrs, ils sont rapinés par les singes et les oiseaux… Vénéneux ou pas ? Je cherche dans ma mémoire la nomenclature des fruits comestibles de la forêt, leur description… ouvert, un gros noyau se détache, découvrant une pulpe ayant la consistance et l’aspect du beurre, jaune… j’y suis, je me souviens de l’avocat dont je faisais mes délices au Brésil avec du sucre et du citron. À Cayenne, en vinaigrette… Un « taca », l’avocat sauvage de forêts de Guyane, fort prisé des voyageurs.