Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/257

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« cocos » gros comme des sardines. Je les mets à la braise et n’en fais qu’une bouchée. J’en attrape à nouveau quatre et les mets à fumer pour la nuit, puis je les mange, car j’ai encore faim, terriblement faim ; rien ne peut m’apaiser. Alors, ayant découvert un régime vert de « paripou ». je casse les noix à la hache. La pulpe est dure comme une pierre, ayant l’aspect et la consistance de l’ivoire végétal. Je la coupe en quatre et mets cela à rôtir dans la casserole. Ça bourre un peu mais ça donne des crampes d’estomac. Bien grillées… avec un peu d’imagination, j’ai l’impression de croquer des amandes… l’impression seulement !

J’avais, il y a quelque temps, trouvé un régime de « caumou » pas très mûr et je le gardais… Ce soir, j’ai échaudé les graines ; ça m’a donné une sorte de chocolat sans sucre, couleur lilas, épais et fade… et pourtant, j’ai encore faim car, de tout cela, rien ne satisfait pleinement, rien ne vaut le quart d’une tortue. L’estomac s’emplit passagèrement et, très vite, réclame à nouveau.

J’ai mangé mon crabe. Je réussis à en attrper deux autres que je rôtis et dévore avec la carapace.

Oh ! fringale, t’apaiseras-tu ? À ce régime, courant tout le jour pour manger, jamais je ne pourrai terminer le canot. Je suis désespéré : il faut en sortir ! La faim, c’est un besoin physique dont la non-satisfaction amène une faiblesse, quelques crampes, nausées, vertiges, mais la souffrance est plutôt morale et l’on se plaît à l’exagérer par l’imagination débordante ces jours-là, qui fait entrevoir des repas gargantuesques.

Là est la véritable souffrance de la faim. Penser à ce que l’on mangera, le cap franchi. Mais dompter son imagination est aussi dompter sa faim. Le premier jour