Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/36

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M. B… m’a prêté une montre car la mienne est inutilisable.

La mer est grise. J’ai mal aux gencives. Une dent arrachée à grand peine l’avant-veille me tracasse sous forme d’abcès. Bon départ !… C’est bête d’être sentimental. Les départs m’étreignent toujours à fond. Je pense à ma mère, à mon père. Ils m’ont eu dix ans avec eux. Pauvre et cher vieux couple ! Comme j’ai hâte de revenir vers toi, te voir vivre sans soucis ni tracas. Pourvu que la santé de papa tienne et qu’il ne fasse pas d’imprudences.

J’écrivais un article sur la Guyane sans arriver à le terminer. Il est écrit tel que je le pensais. Je n’ai rien voulu changer. Plaire aux uns, déplaire aux autres… Tant pis !

J’ai veillé toute la nuit à boucler mes bagages. Je suis nerveux, un peu de fièvre, le foie est sensible au toucher. La tournée d’adieux m’a valu de nombreux apéritifs… je paie !

Les côtes se dessinent au loin ; vers 6 heures nous serons à St-Laurent du Maroni.

Il fait chaud et, ce matin, j’avais si froid !

Que ces préliminaires à l’action me pèsent ! J’aurais préféré être parachuté, aussitôt à pied d’œuvre dans le territoire inexploré. Ça serait trop facile, après tout, et j’aurais l’impression de ne pas avoir gagné ma réussite. On m’a dit :

— Pourquoi faites-vous le territoire inexploré, partant du centre de la Guyane, ? Il serait aussi méritant et moins dangereux de ne faire que les Tumuc Humac d’une source à l’autre ! Si vous réussissez, on ne parlera que des Tumuc Humac, pas du territoire inexploré !… Et pourtant, c’est là que vous risquez davantage votre