Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/44

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Thiébault a été chic. Il a payé ma note de restaurant. C’est tout, mais c’est beaucoup. Là-haut, ma foi, je me débrouillerai.

Jeudi 6 Octobre.

2 heures du matin. Départ. Enfin ! Les deux canots de notre expédition s’ébranlent sur la rivière baignée de clair de lune. Il fait frais, des brumes voilent les berges et donnent aux arbres morts une allure fantômatique.

À 4 h. 15, nous nous arrêtons quelques instants au village de « Papa Momo. Les canotiers achètent des légumes et boivent du tafia. À 5 h. 10, la lune décline, les brumes s’épaississent, puis le ciel se colore. Des vols de perroquets passent la rivière ; des martins-pêcheurs nous dépassent, effrayés par le grondement régulier des moteurs Johnson, se posent sur des branches basses et sans cesse poursuivis, sans cesse rejoints, nous précèdent inlassablement de leur vol rapide durant des kilomètres.

À chaque coude de la rivière, le ciel se nuance davantage de teintes chaudes. Sur de larges éclaircies d’un bleu très pur, les palmiers et les arbres morts se dessinent d’un trait net alors que les arbres sains, estompés par la brume semblent crayonnés au fusain et leurs masses de feuillages noyés rappellent les lavis japonais. Nous dépassons trois canots lourdement chargés qui vont ravitailler les placers de la Crique Morpion. Le nègres Saramacas avec leur pagne à rayures rouges piquent le takari dans le limon des berges et pèsent de tout leur poids sur la longue perche souple. Ils plient un genou pour forcer davantage, se relèvent et, partant