Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/59

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conduisant à une dérivation plus calme de Gros Saut.

C’est là que nous établissons le camp et transportons les bagages. Les canots sont entièrement déchargés et nous attendons l’aube du lendemain pour franchir « Gros Saut » dont le bruit de la chute bercera notre sommeil de son fracas régulier et pesant.

Avant d’y arriver, les créoles m’affirmaient que du haut de Gros Saut on apercevait les bois « piti, piti, piti »… presque un Niagara ! C’est ainsi qu’une fois de plus j’appris à me méfier des descriptions de paysages faites par des indigènes enthousiastes et naïfs. On peut éprouver parfois d’amères déceptions. Il en est d’ailleurs de même pour les montagnes, hautes, si hautes que l’on ne peut atteindre le sommet !… Ce ne sont que des collines dont la plus haute ne semble pas devoir dépasser huit cents mètres.

Mardi 11 Octobre.

Histoire de m’entraîner, j’aide les piroguiers à trimballer sur deux cents mètres de mauvaise piste les sacs de farine de cinquante kilogs. Ça me réchauffe car l’aube est fraîche, le soleil pauvre. Le passage du saut est homérique. Quelle bagarre avec l’à-pic torrentueux ! Les muscles des noirs sont mis à rude épreuve et ils doivent faire état de toute leur expérience de la rivière pour couler de roche en roche le canot, pour le hisser à la cordelle presque à la verticale et, de l’eau jusqu’à la poitrine, les pieds crispés sur les pierres du fond, pousser de toutes leurs forces les coques et résister au courant qui, s’il les saisissait, ne consentirait plus à les rendre, sinon morts. Mais tout se passe bien. Le premier et le second canot passent sans anicroches et rejoignent notre