Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/60

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camp par la dérivation. Nous découvrons, tout contre la berge, l’avant d’une immense pirogue crevée, sans doute naufragée au saut X et entraînée par le courant jusqu’ici. Un créole pêche un énorme poisson dégusté avec du couac car nous n’avons plus de pain depuis longtemps. Isabelle, la cuisinière, est malade, tremblante de fièvre dans son hamac, prenant quinine sur quinine. Le fils Thiébault aussi qui, étendu sous un carbet est incapable de remuer le petit doigt mais semble recouvrer très vite ses forces pour le repas de midi.

La journée se passe à réparer puis recharger les canots. Nous partirons demain. C’est alors que se place un incident dont les conséquences pourraient être fâcheuses. Un créole que je photographiais menace de me « piayer », c’est-à-dire de me jeter un mauvais sort. Excité, il va chercher son bréviaire, récite des formules et alors, devant tous ses camarades, prédit que mon appareil tombera à l’eau et qu’ainsi je n’aurai pas sa photographie. On le dit « Jeteur de sort » remarquable et, sans m’attacher outre mesure à la superstition, j’ai eu l’occasion d’éprouver au Brésil la valeur de certains « piayes ». Ce n’est pas l’esprit que je crains, mais l’homme. Pour ne pas perdre la face après cette menace formulée en public, il serait fort capable de provoquer un accident qu’il attribuerait à la volonté des esprits, brisant ou noyant mon appareil. Je vais donc plus que jamais surveiller celui-ci… Un accident est si vite arrivé ! Pour moi ce serait irréparable : sans appareil, mes reportages et mes recherches perdraient cinquante pour cent de leur valeur.

En garde donc et que « Tupinamba », le dieu brésilien des forêts, me protège du pouvoir maléfique créole. Je suis, m’a-t-on dit au Brésil, protégé par ce Dieu, chef