Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/69

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deux mètres. Les canots sont déchargés ; pour transporter les bagages il faut sauter de roche en roche, franchir les chenaux sur les arbres tombés, les pieds crispés sur des mousses glissantes, les épaules ployant sous le faix. La chaleur lourde, pèse ; on sue, on glisse, on dit des injures. Le déchargement pénible terminé, le saut est franchi sans encombre mais avec peine, les hommes hissant les canots à la cordelle.

Un canotier créole agenouillé à l’avant d’un canot, le front courbé sur sa pagaie qu’il tient droite et à deux mains, remercie Dieu de lui avoir laissé la vie. Ses muscles luisent au soleil, exagérés par l’ombre brutale. Quel superbe tableau ! Photographier la scène entraînerait de nouveaux incidents ; car je dois maintenant user de précautions et de ruses de Sioux pour photographier les passages de sauts. Les canotiers se sont ligués contre moi et me menacent. Le jeteur de sort rumine l’échec de son « piaye » Bref ! les rapports sont tendus. Ils prétendent que chaque fois que je les photographie, je retire un morceau de leur âme. Pour les apaiser, il faudrait les payer… cher. Je préfère ruser ; mais hélas, je loupe de superbes gros plans, devant me contenter de vues d’ensemble et de groupes. C’est en tous cas plus naturel.

Départ… Et voici le Petit Coumarou ; les canots halés à la cordelle passent rapidement. Les moteurs vont bon train. Une dizaine de rapides faciles sont franchis sans anicroches.

À midi, nous apercevons les cases de Degrad Sophie, anciennement Degrad Samson, nom de son fondateur, situé à la confluence de la crique Sophie. — Une vingtaine de cases dont dix-huit sont abandonnées, quelques noirs anglais, des Saint-Luciens surtout, une mission des Eaux et Forêts faisant escale ici avant de monter vers