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peu partout et servant de pot à tabac ou de boîte à sucre, à café, à riz, à couac.

Le déjeuner n’est pas compliqué : deux topinambours du pays bouillis à l’eau claire, un peu de poisson séché avec une goutte d’huile…

Les deux hommes me précédant empruntent un chemin confortable et, en cinq minutes, nous sommes au chantier où ils travaillent l’or. Leurs compagnons œuvrent déjà et s’étonnent de me voir.

Pieds nus, chemise rapiécée, pantalon d’arlequin… tenue de travail commune aux mineurs du monde entier — sous un chapeau de feutre délavé, un visage noir ou olivâtre… pas un Européen dans tout le pays.

Il fut un temps où les bagnards — et ce sont eux qui ont exploité le plus de filons — installés un peu partout, pouvaient faire croire qu’un Européen peut travailler l’or sans danger pour sa santé. Puis les mineurs sortis ou évadés du bagne ont disparu ; la tête pleine d’histoires mirifiques, ils sont allés alimenter la chronique de journalistes en mal de fantaisie imaginative, créant des « El Dorado » à la petite semaine, inspirant des livres sérieux et des articles documentés… à leur manière.

Pas un seul d’entre eux n’est revenu bien riche sur le littoral guyanais ou, s’ils revenaient bien lestés, en trois semaines ils étaient dépourvus…

Les bagnards s’en sont allés mais des noms sont restés sur les cartes, rappelant leur souvenir, noms donnés à l’emporte pièce à des placers découverts fortuitement ou longtemps espérés : « Pas de chance » — « Paradis ou blocus » — « Souvenir » — « Patience » — « Bœufmort » — « Bas espoir » — « Déchéance » — « Paradis » — « Cent sous » — « Popote » — « Dieu