Il aimait assez le monde, dînait volontiers en ville, et puis faisait entre dix heures et une heure du matin, de longues visites dans les salons préférés où il avait ses habitudes. Car il était bien reçu, fêté, choyé à cause de sa fortune, de son esprit et d'une sorte de sympathie qu'il attirait.
Vrai Français de la vieille race aimable, gouailleuse, dédaigneuse de tout ce qui ne l'émeut pas, ignorante de tout ce qui ne l'amuse point, n'ayant d'attention que pour certaines choses, certaines gens, même certains quartiers de Paris, il considérait que l'existence, en somme, ne vaut pas qu'on se donne beaucoup de peine et qu'elle doit plutôt faire rire que pleurer.
C'est alors qu'il rencontra, dans un souper, la maîtresse d'un de ses amis. Elle lui plut tout de suite par son charme discret, plus pénétrant qu'apparent. En s'asseyant auprès d'elle, on la remarquait à peine; après une heure de causerie, on se sentait attendri par sa grâce. C'était une jolie femme mince, dans les demi-teintes, de genre réservé, de manières modestes et délicates, qui jouait les ménagères dans le demi-monde distingué.
Presque inconnue au clan célèbre des hautes courtisanes, elle avait toujours été la maîtresse attitrée de quelqu'un et demeurait dans l'ombre, dans une ombre somptueuse et parfumée. C'était une de ces adroites femmes qui savent donner des joies domestiques aux célibataires de la grande vie, et qui gardent, jusqu'à la découverte de l'amant naïf destiné à les épouser, la spécialité de faire payer fort cher aux hommes riches et désoeuvrés les apparences d'un foyer légitime.
Robert Mariolle s'éprit d'elle, lui fit sa cour comme a une mondaine, osa des déclarations, écrivit sa tendresse.