Page:Maupassant - L'adultère (extrait de Le Gaulois, édition du 1882-01-23).djvu/9

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les enfants pour leur faire entendre qu’ils ne sont pas raisonnables… Reproches, emportements, attendrissements, il essuyait tout avec un persiflage de sang-froid, l’aisance de la plus parfaite compagnie.

» La femme, au sortir de pareilles scènes, se tournait vers ses grands-parents. Elle était tout étonnée de les voir prendre en pitié sa petitesse d’esprit, et traiter ses grands chagrins de misères. Sur la figure, dans les paroles de sa mère, il lui semblait lire qu’il y avait une sorte d’indécence à aimer son mari de cette façon. Et, au bout de ses larmes, elle trouvait le sourire d’un beau-frère, lui disant : « Eh bien ! prenons les choses au pis : quand il aurait une maîtresse, une passade, que cela signifie-t-il ? Vous aimera-t-il moins au fond ?… » Le mari survenait alors, et glissait en ami ces paroles à sa femme : « Il faut vous dissiper. Voyez le monde, entretenez des liaisons, enfin vivez comme toutes les femmes de votre âge ! » Et il ajoutait doucement : « C’est le seul moyen de me plaire, ma bonne amie. »

Quels sont les maris qui oseraient, aujourd’hui, parler ainsi ? Il est vrai que, dans le monde élégant et raffiné, bon nombre d’époux indifférents et sceptiques ferment les yeux et vivent de leur côté. Le ménage est en partie double ; il n’en va que mieux. La vengeance bru-