Page:Maupassant - Les inconnues, paru dans Gil Blas, 16 octobre 1883.djvu/13

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dire maintenant, très jolie même ; et je lui envoyai une description détaillée de moi, jusqu’à la taille… en partant de la tête. C’était déjà beaucoup.

» Le lendemain mon domestique jetait son nom dans mon salon plein de monde.

» Je tressaillis, près de perdre connaissance !

» Dieu, qu’il était laid !

» Tout petit, noir, l’air vieux, la figure grimaçante, il s’avançait intimidé au milieu du cercle d’hommes qui m’entourait.

» J’eus envie de me sauver. Non, ce n’était pas lui, ce singe, lui mon ami, mon cher confident, mon intime, lui ! Il me sembla tout à coup que je ne le connaissais plus. Que notre bonne affection était brisée, finie. Que j’avais perdu le doux secret, la consolation mystérieuse de ma vie. Je ne pourrais jamais écrire à ce magot ce que j’écrivais à l’autre. Et quelle tristesse, le soir ! J’en pleurai.