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Page:Maupassant - Souvenir (extrait de Gil Blas, édition du 1882-02-16).djvu/7

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l’emmêlement des flocons. Quelques hommes se secouaient, d’autres ne bougeaient point. Puis un ordre circulait à voix basse. Les fusils remontaient sur les épaules, et, d’une allure exténuée, on se remettait en marche.

Soudain, les éclaireurs se replièrent. Quelque chose les inquiétait. Le mot « halte ! » circula. C’était un grand bois, devant nous. Six hommes partirent pour le reconnaître. On attendit dans un silence morne.

Et tout à coup un cri aigu, un cri de femme, cette déchirante et vibrante note qu’elles jettent dans leurs épouvantes, traversa la nuit épaissie par la neige.

Au bout de quelques minutes, on amenait deux prisonniers, un vieillard et une jeune fille.

Le capitaine les interrogea, toujours à voix basse.

— Votre nom ?

— Pierre Bernard.

— Votre profession ?

— Sommelier du comte de Roufé.

— C’est votre fille ?

— Oui.

— Que fait-elle ?

— Elle est lingère au château.

— Comment rôdez-vous comme ça, la nuit, nom de Dieu ?

— Nous nous sauvons.

— Pourquoi ?

— Douze uhlans ont passé ce soir. Ils