Page:Maupertuis - Œuvres, Dresde, 1752.djvu/293

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qu’on prenne cette blancheur pour une maladie, ou pour tel accident qu’on voudra, ce ne sera jamais qu’une variété héréditaire, qui se confirme ou s’efface par une suite de générations.

Ces changemens de couleur sont plus fréquens dans les animaux que dans les hommes. La couleur noire est aussi inhérente aux corbeaux et aux merles, qu’elle l’est aux Negres : j’ai cependant vu plusieurs fois des merles et des corbeaux blancs. Et ces variétés formeroient vraisemblablement des especes, si on les cultivoit. J’ai vu des contrées où toutes les poules étoient blanches. La blancheur de la peau liée d’ordinaire avec la blancheur de la plume a fait préférer ces poules aux autres ; et de génération en génération on est parvenu à n’en voir plus éclore que de blanches.

Au reste il est fort probable que la différence du blanc au noir, si sensible à nos yeux, est fort peu de chose pour la Nature. Une légere altération à la peau du cheval noir y fait croître du poil blanc, sans aucun passage par les couleurs intermédiaires.

Si l’on avoit besoin d’aller chercher ce qui arrive dans les plantes pour confirmer ce que je dis ici, ceux qui les cultivent vous diroient que toutes ces especes de plantes et d’arbrisseaux panachés qu’on admire dans nos jardins, sont dues à des variétés devenues héréditaires, qui s’effacent si l’on néglige d’en prendre soin.[1]


CHAPITRE V

Essai d’explication des phénomenes précédens.


Pour expliquer maintenant tous ces phénomenes ; la production des variétés accidentelles, la succession de ces variétés d’une génération à l’autre, et enfin l’établissement ou la destrucrion des

  1. Vidi lecta diu, et multo spectata labore,
        Degenerare tamen, ni vis humana quotannis
        Maxima quæeque manu legeret.
                                                  Vïrg. Georg. lib. 2.