Page:Maurice Denis Théories (1890-1910)-1920.djvu/17

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les peintures, en supposant, qu’on reste dans les conditions du jugement esthétique, on veut dire : que ses impressions de nature, à soi, sont meilleures que celles des autres, ce qu’il faut bien admettre. Mais veut-on comparer la plénitude hypothétique, et rêvée ! de l’effet original, et la notation de cet effet par telle ou telle conscience ? Ici se présente la grosse question du tempérament : « L’art, c’est la nature vue à travers un tempérament. »

Définition très juste parce qu’elle est très vague, et qui laisse incertain le point important : le critérium des tempéraments. La peinture de M. Bouguereau, c’est la nature vue à travers un tempérament. M. Raffaëlli est un extraordinaire observateur, — mais sensible aux belles formes et aux belles couleurs, croyez-vous ? Où commence, où finit le tempérament « peintre » ?

Il y a une science, le sait-on ? qui s’occupe de ces choses : l’Esthétique, qui se précise et s’assied, grâce aux recherches pratiques des Charles Henry, à la psychologie des Spencer et des Bain.

Avant d’extérioriser ses sensations telles quelles, il faudrait en déterminer la valeur, au point de vue de la beauté.

VI

Je ne sais pourquoi les peintres ont si mal compris l’épithète « naturaliste » appliquée, dans un sens seulement philosophique, à la Renaissance.

J’avoue que les Prédelles de l’Angelico qui est au Louvre, l’Homme en rouge de Ghirlandaio et nombre d’autres œuvres de primitifs, me rappellent plus précisément la « nature » que Giorgione, Raphaël, le Vinci. C’est une autre manière de voir, — ce sont des fantaisies différentes !

VII

Et puis tout change dans nos sensations, objet et sujet. Il faut être bien bon élève pour retrouver deux jours de suite le même modèle sur la table. Il y a la vie, l’intensité