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DE GAUGUIN ET DE VAN GOGH AU CLASSICISME

aimait la clarté, signe d’intelligence. La reconstruction d’art que Cézanne avait commencée avec les matériaux de l’impressionnisme, Gauguin l’a continuée avec moins de sensibilité et d’ampleur, mais avec plus de rigueur théorique. Il a rendu plus explicite la pensée de Cézanne. En la retrempant aux sources de l’art, en recherchant les premiers principes qu’il appelait les lois éternelles du Beau, il lui a donné une plus grande force. « La barbarie, a-t-il écrit, est pour moi un rajeunissement… Je me suis reculé bien loin, plus loin que les chevaux du Parthénon… jusqu’au dada de mon enfance, le bon cheval de bois. »

Nous sommes redevables aux barbares, aux primitifs de 1890, d’avoir remis en lumière quelques vérités essentielles. Ne plus reproduire la nature et la vie par des à peu près ou par des trompe-l’œil improvisés, mais au contraire reproduire nos émotions et nos rêves en les représentant par des formes et couleurs harmonieuses, c’était là, je persiste à le croire, une position nouvelle — au moins pour notre temps — du problème de l’art ; et cette notion est encore féconde. Encore une fois, elle est au fond des doctrines d’art de tous les âges, et il n’y a pas d’art véritable qui ne soit symboliste. Cela est cependant plus sensible dans l’architecture et aux époques où les arts plastiques destinés surtout à l’ornementation des murs, dépendent de l’architecture ; et c’est pourquoi les novateurs de 1890 ont voulu tout ignorer des époques savantes, et préférer les naïves vérités du sauvage à « l’acquis » des civilisés.

Les jeunes gens, ceux qui vont au classicisme, ne connaissent plus les théories de 1890. C’est pour eux que j’ai voulu une fois de plus les préciser. Il font état des œuvres de notre génération, comme nous faisions de celles des impressionnistes. Ils suivent leur destinée dans un sens qui est le nôtre, celui de 1890, mais avec un état d’esprit différent. Ils sont moins théoriciens, ils croient davantage au pouvoir de l’instinct. Rien n’est à ce propos plus caractéristique que l’article publié dans la Grande Revue en décem-