Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/122

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personnages en commençant par l’abbé Ecoiffier.

C’était un ecclésiastique interdit, ancien directeur d’un pensionnat de jeunes gens, qu’il avait été obligé de quitter pour certains faits de mœurs, inutiles à préciser. Comme l’affaire avait été étouffée à l’origine et que la prescription était acquise à son profit, l’abbé Ecoiffier avait refusé de s’incliner devant la mesure disciplinaire de ses supérieurs. Il était venu à Paris ou il tracassait l’archevêché par toutes sortes de réclamations, de prétentions et d’habitudes contraires aux convenances de son état. Il promenait son chapeau rond et sa soutane à la Bourse, où il faisait de petites affaires ; au Tribunal de commerce, où il plaidait lui-même ses procès. Il s’entremettait pour des mariages véreux et prêtait à la petite semaine sur le carreau des halles.

Du reste, poli, mielleux, instruit, ne disant jamais un mot grossier, défendant au besoin le sacerdoce, mais assistant avec un cynisme imperturbable aux plaisanteries et aux scènes les plus outrageantes pour le caractère dont il était revêtu.

Ecoiffier tenait du renard, Lecardonnel tenait du loup ; du jour où ils s’étaient rencontrés, ces deux hommes étaient devenus inséparables, comme s’ils se fussent complétés l’un par l’autre.

Berg-op-Zom, ainsi qualifié par les habitués de la pension Lamoureux, et qui s’appelait de son vrai nom Michonneau, était un ancien négociant enrichi dans les denrées coloniales, que l’amour de la vie de bohême avait fixé depuis quelques mois parmi les jeunes gens ; épris de leurs intarissables saillies, il ne savait qui il admirait le plus de Cambrinus, du marquis ou de Marius Simon.