Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/342

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du ce soir de deux cachets verts en mon honneur, c’est par une duodécuple canette que je veux répondre à sa généreuse initiative.

C’est à toi que je bois, papa Lamoureux, toi qui fus mon père nourricier, noble rôle que la postérité t’enviera. Tu as bien mérité de la jeune France, elle te salue par ma bouche.

Je bois aussi a vous, camarades, avec qui j’ai rompu si souvent le pain de la mauvaise fortune ; je ne peux pas vous serrer tous sur ma noble poitrine. Mais, approche, père Lamoureux, et puisse le baiser que je vais te donner retentir dans tous les cœurs, au milieu du veau et de la salade !

— Gaspard va t’embrasser, Émile (c’était le petit du père Lamoureux.) As-tu du chlore dans tes poches ? (Cambrinus passait pour avoir l’haleine de Louis XIV, seul rapport qu’il eût avec le grand roi.)

— Et non-seulement je bois à vous, mes amis, reprit Cambrinus sans se laisser démonter, en prenant une pose qui consistait à allonger le bras droit et à avancer la tête comme un bélier, — mais je bois à une noble exilée dont l’image est restée dans nos cœurs et qui est le trait d’union de nos espérances.

— Bravo ! s’écrièrent Oudaille, Coq, Soulès, Belgaric et Gédéon Mathieu.

— C’est joliment tapé ! dit l’ex-épicier Berg-op-Zom.

— Dis-donc, comment s’appelle-t-elle, cette dame-là ? Est-ce qu’on pourrait avoir son adresse ? fit Marius.

— Tant pis pour qui ne sait pas comprendre les figures du langage ; je ne réponds pas à l’interrupteur…

— Laissez parler, dit Berg-op-Zom qui se croyait au Corps législatif.