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Page:Maurice Joly - Recherches sur l'art de parvenir - Amyot éditeur - 1868.djvu/31

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la lumière, reconnaissent très distinctement les frégates. Les signaux de la flotte ennemie apparaissent. Les dés ont-ils tourné ? Non. Il se trouve, ô fortune ! que les frégates sont de construction vénitienne, et les Anglais les prennent pour un convoi d’approvisionnement, se rendant de Toulon à Gênes.

Mais la situation demeure tout aussi critique. La flotte anglaise, il est vrai, grâce à la nuit tombante n’a pas reconnu les passagers; mais le lendemain le jour se lèvera, les Anglais reconnaîtront leur erreur et le désastre est certain. Gantheaume avait perdu la tête ; il proposait de retourner en Corse. Bonaparte s’y refusa, on fit force voiles vers le nord-ouest, et pendant la nuit on se prépara à tout événement. Déjà les rôles étaient distribués, les dispositions étaient prises, Bonaparte, décidé à se jeter dans la chaloupe de sauvetage, avait désigné les personnes destinées à partager son sort, qui ne pouvait être douteux, si l’on était encore en vue de l’escadre. Il s’agissait d’être capturé ou coulé à fond ; mais les dés jetés en l’air retombent toujours sur les mêmes faces. Les premiers rayons du jour éclairèrent la flotte anglaise qui, au lieu de poursuivre les frégates, s’éloignaient vers le nord-est !…

Et ce n’est pas tout encore, si en arrivant à Fréjus l’équipage est obligé de faire quarantaine, les dépêches de Kléber devançant l’arrivée de Bonaparte peuvent renverser sa fortune, et le héros d’Arcole