Page:Maurice Leblanc - La Barre-y-va.djvu/173

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genoux plièrent et que, sans mot dire, il s’assit à terre, sur ses talons.

Les deux sœurs se taisaient également. Mais ce n’était pas la vue de l’or qui les troublait. Ce n’était même plus cette impression puissante qu’elles avaient éprouvée à se sentir au cœur d’une aventure vingt fois séculaire, dont toutes les péripéties, celles d’autrefois et celles du temps présent, se déroulaient devant leurs yeux déconcertés. Non, c’était autre chose. Et comme Raoul les interrogeait à voix basse sur leurs pensées secrètes, l’une d’elles répondit :

« Nous pensons à vous, Raoul… à l’homme que vous êtes…

— Oui, fit l’autre, à tout ce que vous faites, si aisément, en vous jouant… Nous ne comprenons pas… C’est si simple, et si extraordinaire… »

Il murmura — et chacune d’elles put croire qu’elle seule avait entendu et que c’était à elle qu’il s’était adressé :

« Tout est facile, quand on aime, et qu’on veut plaire. »

Ce n’est qu’au soir, à la faveur de l’ombre — ne pouvait-on être épié du dehors ? — que Raoul approcha son auto et que deux grands sacs pleins à craquer furent emportés de la Butte-aux-Romains. Puis Béchoux et lui rebouchèrent l’excavation, et, tant bien que mal, effacèrent les vestiges des travaux exécutés.

« Au printemps prochain, dit Raoul, la nature se chargera de tout recouvrir. Et comme jusque-là, nul n’entrera au manoir, nul ne connaîtra jamais, en dehors de nous quatre, le secret de la rivière. »

Le vent était tombé. La seconde marée du 13 septembre fut faible, et il était à présumer que les deux marées du 14 ne feraient monter l’eau qu’à un niveau normal, sans que la Butte soit encerclée.