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veau et plus encore d’être, pour Raoul, un objet de raillerie. L’amant de la cuisinière !

« Je te répète, dit-il, l’intonation saccadée, que Charlotte n’est pas une cuisinière mais une dame de compagnie, une lectrice, presque une amie de Mme Guercin, qui apprécie ses grandes qualités de cœur et d’esprit. J’ai eu le plaisir de faire sa connaissance à Paris, et, lorsque je suis entré en convalescence, c’est elle qui m’a parlé de cette chaumière à louer et du bon air que l’on respirait à Radicatel. Dès mon arrivée, elle m’a fait recevoir chez ces dames qui voulurent bien m’accueillir tout de suite comme un familier. Voilà toute l’histoire. C’est une femme d’une vertu éprouvée, et je la respecte trop pour lui demander d’être son amant.

— Son mari alors ?

— Cela me regarde.

— Certes. Mais comment cette dame de compagnie de si grand cœur et de si bel esprit accepte-t-elle de vivre dans la société du valet de chambre ?

— M. Arnold n’est pas un valet de chambre, mais un intendant pour qui nous avons tous de la considération et qui sait se tenir à sa place.

— Béchoux, s’écria Raoul gaiement, tu es un sage et un veinard. Mme Béchoux te fera de bons petits plats, et je prendrai pension chez vous. D’ailleurs je la trouve très bien, ta fiancée… de l’allure… du charme… de jolies formes rebondies… Si, si, je suis un connaisseur, tu sais… »

Béchoux pinça les lèvres, Il n’aimait pas beaucoup ces plaisanteries, et il y avait des moments où Raoul l’agaçait avec son air de supériorité gouailleuse.

Il coupa court à l’entretien.

« Assez là-dessus. Voici justement Mlle Montessieux, et ces questions n’ont aucun intérêt pour elle. »