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Page:Maurice Leblanc - La Barre-y-va.djvu/74

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« Nous pataugeons, mon vieux, ricanait-il avec une joie féroce. Toi comme moi. Plus encore même. Vois-tu, Raoul, quand on est en plein dans un orage, on ne lui tient pas tête. On fiche le camp… Et l’on revient quand le danger est fini.

— Donc, elles s’en vont ?

— Ce serait déjà fait si cela ne dépendait que de moi. Mais…

— Mais Catherine hésite ?

— Justement. Elle hésite parce qu’elle subit encore ton influence.

— Espérons que tu la décideras.

— Je l’espère, et Dieu veuille qu’il ne soit pas trop tard ! »

Le soir même de cette conversation, les deux sœurs travaillaient dans le petit salon du rez-de-chaussée qui leur servait de boudoir et où elles aimaient se tenir. Deux pièces plus loin, Raoul lisait et Béchoux poussait distraitement des billes sur un vieux billard. Ils ne parlaient pas. À dix heures, d’ordinaire, chacun montait dans sa chambre. Les dix coups sonnèrent au village, puis à une pendule du manoir.

Une deuxième pendule commençait à tinter lorsqu’une détonation toute proche retentit, accompagnée d’un bruit de carreau cassé et de deux cris stridents.

« Cela se passe chez “elles” », proféra Béchoux, qui s’élança vers le boudoir.

Raoul, ne songeant qu’à couper la route de l’homme qui avait tiré, courut à la fenêtre de la pièce où il se trouvait. Les deux volets étaient clos comme ils l’étaient chaque soir. Il fit basculer la barre, mais on les avait fermés du dehors et, si violemment qu’il les secouât, il ne réussit pas à ouvrir. Il y renonça aussitôt et sortit par la pièce voisine. Mais il avait perdu trop de temps, et il ne vit rien de suspect dans le jardin. Un simple coup