Page:Maurice Pescatore - Chasses et voyages au Congo, 1932.djvu/145

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
129
chasses et voyages au congo

duquel des liserons bleus grimpants donnent un petit air de home familial, et m’inspirent une comparaison poétique entre ces fleurettes, modestes cendrillons venues d’Europe sans doute, qui se cachent honteusement à la vue de leurs sœurs flamboyantes d’Afrique. Mes boys me regardents dessiner : cela les intéresse et d’ailleurs les indigènes aiment les arts et spécialement la musique les passionne, tandis qu’ils n’ont pas le goût du métier ; en fait d’industrie ils n’ont rien inventé, pas même une roue de brouette. Part contre ils ont le génie de se draper et avec un rien ils parviennent à s’habiller ; donnez-leur un bout d’étoffe quelconque et ils trouveront moyen d’en faire un pagne qui les recouvrira majestueusement ; j’ai vu des loques innommables retenues par des ficelles, qui faisaient encore figure de chemises ou de justaucorps. Jamais un mendiant de chez nous n’a dans ses haillons cet air de dignité antique, qui chez le noir provoque l’admiration bien plus qu’il ne suscite le sens du ridicule.

Notre retour à Fissi au matin du 3 janvier prit les allures d’une fuite éperdue ; bien avant l’heure le camp est en rumeur, et nos porteurs nous regardent d’un air de reproche fermer nos valises, qu’à leur gré nous ne bouclons pas assez vite ; jamais les tentes ne furent rabattues avec une telle célérité et en moins de temps qu’il ne faut pour le dire chacun avait sa charge sur le dos et la caravane se mit en branle au pas gymnastique. Les porteurs de tippoye trottent et s’emballent presque dans les descentes ; point n’est besoin de les pousser, c’est le dernier jour de marche, ils sentent la paye et le repos qui les attendent, et se répondant en chantant, ils se hâtent vers l’endroit qui leur promet toutes ces délices. J’ai à peine le temps de constater au passage la différence d’altitude qui entre la Luama que nous avons quittée, et le Tanganyka où nous retournons, se fait déjà bien sentir ; il fait beaucoup plus chaud et si ce n’est pas encore la chaleur torride du désert, si la végétation