Aller au contenu

Page:Maurras - Kiel et Tanger - 1914.djvu/134

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
12
kiel et tanger

ce sens. Trop heureux de rester, de vivre et de durer, se félicitant d’avoir les mains libres pour organiser au dedans ce que le naïf Scheurer-Kestner appelait assez bien « la lutte[1] », ce qu’on pourrait nommer encore mieux la petite guerre civile, c’est-à-dire le jeu électoral et parlementaire, ils sentaient admirablement combien, en politique extérieure, une vraie démocratie, bien républicaine, demeure dépourvue de la continuité et de l’esprit de suite qui permet aux aristocraties et aux monarchies de se marquer un but politique, puis de l’atteindre, lentement ou rapidement, par la constance de leurs actions successives et la convergence des services coexistants. Nos vieux républicains furent dociles à la nature de leur régime : ils se résignèrent aisément au défaut dont ils recueillaient le profit. Capituler, s’éclipser et faire les morts leur coûta d’autant moins qu’ils étaient naturellement modestes pour leur pays, auquel un grand nombre d’entre eux ne tenaient que de loin : Génois, Badois, Anglais ou Juifs.

L’inertie devint le grand art. Ne rien prétendre, ne rien projeter, a été la prudente règle de leur conduite. Sagesse à ras de terre, inattaquable en fait. De M. Waddington à M. Develle, de Challemel-Lacour et Barthélemy-Saint-Hilaire à M. de Freycinet, tous, — les simples et les subtils, les ignares et les doctes, les niais et les malins, — se

  1. « En présence des menées royalistes, il importait au parti républicain de s’organiser pour la lutte. » Souvenirs, p. 265.