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Page:Maurras - Kiel et Tanger - 1914.djvu/138

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kiel et tanger

moelles, gouvernée par des Allemands, la Russie n’aurait pas rompu la première avec Berlin. L’antigermanisme a été pour nos alliés un sentiment, mais, s’il régna chez eux, ce ne fut pas sur eux.

Dans ces conditions, le vieux parti républicain s’accommodait fort bien de l’alliance russe[1], car elle respectait l’article fondamental de sa politique. Le « Point d’affaires » étant assuré, on bernait les chauvins en se fortifiant de leur adhésion ingénue. C’étaient deux profits en un seul.

À quoi bon s’en cacher ? Dans la mesure très étroite où un simple écrivain, qui ne se soucie pas d’usurper, peut donner son avis sur une affaire d’État dont il n’a pas en main les pièces, il est permis de regretter les conditions dans lesquelles cette alliance disproportionnée a été conclue.

Le plus imposant des deux alliés n’était pas le plus éclairé, et notre infériorité manifeste

  1. Ce n’est certainement pas à la guerre que pouvait songer M. Freycinet dès les débuts de l’alliance russe : c’est le simple maintien de la paix qu’il en espéra. Le 10 septembre 1891, au déjeuner militaire de Vandeuvres, après les premières grandes manœuvres d’armée, il jetait sur les effusions du chauvinisme exalté cette douche froide : « Personne ne doute que nous soyons forts ; nous prouverons que nous sommes sages. Nous saurons garder dans une situation nouvelle le calme, la dignité, la mesure qui, aux mauvais jours, on prépare notre relèvement. » (Il est bon de noter que ce document fut cité par M. Maurice Sarraut, répondant à Jaurès dans l’Humanité du 22 octobre 1905, pour établir combien M. Delcassé s’était tenu éloigné de l’idée de Revanche. La convention militaire entre la France et la Russie dut être signée vers décembre 1893.