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Page:Maurras - Kiel et Tanger - 1914.djvu/142

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kiel et tanger

des froissements de l’Asie russe et de l’Inde anglaise qui obligeaient le cabinet de Pétersbourg à rechercher plus d’un appui européen, il est trop clair que, non contente de se faire l’amie intime de l’Allemagne, la Russie fit toujours effort pour nous placer en tiers dans cette amitié.

La suggestion russe n’est pas niable. La Russie nous a bien poussés dans les bras de l’Allemagne. C’est le 10 juin 1895 que le mot d’alliance russe fut prononcé pour la première fois d’une façon formelle par MM. Ribot et Hanotaux, et, le 18 juin suivant, les vaisseaux français rencontrèrent les vaisseaux russes avec les escadres allemandes dans les eaux de Kiel, à l’entrée d’un canal construit avec l’indemnité de guerre que paya notre France à l’Allemagne victorieuse. Tandis que le tzar nous menait, l’empereur d’Allemagne influençait le tzar. Bien que, en ce même 18 juin 1895, qui était le quatre-vingtième anniversaire de Waterloo, il eût fait hommage d’une couronne d’or au régiment anglais dont il est colonel, Guillaume caressait déjà le plan d’une fédération armée du continent européen contre la reine de la mer : il mit donc tout en œuvre pour y ranger la France, que « l’honnête courtier » russe lui amenait.

Notre ministre des Affaires étrangères, M. Hanotaux, ne refusa point de prêter l’oreille au tentateur. Les mots de plan et de système ne lui donnèrent point d’effroi. Il les salua comme les signes d’une chose belle, brillante, nécessaire, la conception d’un but par rapport auquel