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Page:Maurras - Kiel et Tanger - 1914.djvu/273

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le plan delcassé

À supposer qu’il eût vu juste, M. Delcassé se donna le tort de ne pas savoir retenir des marques,

    ché de parler beaucoup. Nous voudrions pouvoir admettre que l’action de l’empereur allemand ne suit pas sa parole. Mais l’impulsion donnée au commerce, à l’industrie et à la marine de l’Empire ne permet guère de le penser. Ce n’est pas seulement dans la construction de la flotte de guerre que l’on perçoit son impulsion et sa volonté. Comme le disait très bien M. Roger Lambelin dans la Gazeïte de France du 21 février 1907 : « Partout, en Allemagne, on perçoit une impulsion directrice ; des plans sont élaborés avec soin et poursuivis avec méthode pour l’outillage des chantiers, l’aménagement des ports, l’amélioration des voies fluviales. Le souverain s’intéresse avec passion à tout ce qui a trait à la prospérité nationale ; il sait que la marine marchande est l’auxiliaire indispensable de la marine de guerre. Au Parlement, on demande des crédits et non des instructions de détail. » Ce n’est là qu’un chapitre d’une activité et d’une vigilance qui s’étendent à bien des choses, à tout. — Il n’a pas fait la guerre ?… Mais à quoi la guerre eût-elle servi, je le demande, s’il suffit des moyens pacifiques pour imposer, maintenir et développer une situation magnifique ? La nation allemande est un produit fragile et cassant. Peut-être l’Empereur a-t-il fait preuve d’un talent supérieur en ne tirant jamais le sabre qu’à demi. Peut-être aussi a-t-il eu tort d’exposer aux risques de la rouille le seul instrument qui ai pu rassembler les matériaux disparates de cette œuvre artificielle, de ce paradoxe historique et géographique : les Allemagnes unifiées !

    En somme, il n’est guère qu’un élément du caractère de Guillaume sur lequel on puisse tomber facilement d’accord, c’est la passion avec laquelle on l’a toujours vu tirer parti, dans le sens d’une utilité immédiate et pratique, de tout ce qui brille et séduit dans sa personne. Éloquence, poésie, bonne grâce, sciences, beaux-arts, il faut que tout serve ! Quand le cygne eut suffisamment fait ses grâces, Lohengrin tordit le cou à l’oiseau divin, le pluma et le mit à rôtir pour son déjeuner. C’est ce que Drumont aime à appeler l’hérédité anglaise du neveu d’Édouard VII.