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Page:Maurras - Kiel et Tanger - 1914.djvu/340

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kiel et tanger

contre une opinion fanatique et vénale ; mais cela était impossible dans un État moins résistant que les factions et, dès lors, nécessairement impuissant à dompter le parti de Dreyfus.

D’autre part, l’Allemagne n’a pas eu à traverser, depuis 1904, des heures aussi difficiles que l’Angleterre de 1899 ; mais elle eut ses crises sociales, morales, religieuses, même régionales, qu’une action franco-anglaise aurait pu exploiter[1] si M. Delcassé, dans son long ministère, avait pu s’assurer les forces matérielles capables de donner un corps au platonisme de sa diplomatie. Quand on la suppose fondée sur le réel, au lieu de poser sur des imaginations, la politique Delcassé réalise le bon sens même. Un peu atténuée et relâchée du côté de Londres, où nous n’avons besoin que de neutralité bienveillante, corrigée vers le Quirinal, où nous sommes beaucoup moins forts depuis qu’on nous brouilla avec le Vatican, enfin

  1. C’est précisément ce qu’a fait contre nous Guillaume II. Nous avons eu, en 1906 et 1907, nos crises politiques, religieuses, sociales et régionales, quelquefois excitées par lui et dont il s’est servi ensuite pour réaliser en Allemagne les brillantes élections nationalistes, impérialistes et dynastiques de 1907 contre le socialisme. Cet empereur et roi faisait de l’ordre chez lui pendant qu’il nous dépêchait la Révolution, après nous avoir humiliés par ses menaces de guerre. La suite donnée par l’empereur à l’alerte de 1905 rappelle assez bien comment Bismarck, après une autre alerte, moins heureuse pour lui, en 1875, seconda et excita le radicalisme contre le maréchal, le duc de Broglie et l’Église. Avant d’envoyer ses obus, un État prévoyant adresse à l’ennemi des éléments de guerre civile. Richelieu le faisait avec les moyens de son temps.