Page:Maurras - L’Avenir de l’Intelligence.djvu/118

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
112
auguste comte

encore dans la marche de sa pensée : examiner n’apprend ni à choisir, ni à classer les idées utiles et les idées vraies.

Il en souffrait. J’aurais dû dire qu’il en avait souffert, car le malaise personnel de Charles Jundzill se trouvait déjà dissipé, quand il l’exposait à Auguste Comte dans une lettre[1] que je résume et développe d’après les vraisemblances de son état d’esprit. Ce malaise préliminaire, dont la discipline positiviste avait eu raison, était éminemment typique et significatif. Il représente avec beaucoup de netteté le malaise qu’ont éprouvé presque tous les esprits qui, nés dans la tradition catholique, sont devenus étrangers à la foi catholique. Charles Jundzill, originaire de Pologne, était de naissance et de formation purement romaines : avant sa dix-neuvième année, il avait constaté jusqu’à l’évidence son inaptitude à la foi, et surtout à la foi en Dieu, principe et fin de l’organisation catholique.

Était-ce la philosophie, était-ce la science qui l’avait réduit à cette impossibilité de croire ? Quelle que fût l’influence subie par le jeune homme, tel était le fait. Il ne croyait plus, et de là venait son souci. On emploierait un langage bien inexact si l’on disait que Dieu lui manquait. Non seulement Dieu ne manquait pas à son esprit, mais son esprit sentait, si l’on peut s’exprimer ainsi, un besoin rigoureux de manquer de Dieu : aucune interprétation théologique du monde et de l’homme ne lui était plus supportable. Je ’examine

  1. Auguste Comte a placé cette lettre en tête de la Synthèse subjective.