intention scientifique et qui souvent ont été cultivées pendant plusieurs siècles sans produire aucun résultat pratique. On peut en citer un exemple bien remarquable dans les belles spéculations des géomètres grecs sur les sections coniques, qui, après une longue suite de générations, ont servi, en déterminant la rénovation de l’astronomie, à conduire finalement l’art de la navigation au degré qu’il a atteint dans ces derniers temps et auquel il ne serait jamais parvenu sans les travaux si purement théoriques d’Archimède et d’Apollonius ; tellement que Condorcet a pu dire avec raison à cet égard : « Le matelot qu’une exacte observation de la longitude préserve du naufrage doit la vie à une théorie conçue, deux mille ans auparavant, par des hommes de génie qui avaient en vue de simples spéculations géométriques. »
Cette difficulté qu’Auguste Comte s’était ainsi opposée à lui-même peut se résoudre par une observation bien simple. La situation des géomètres grecs était bien différente de celle des mathématiciens modernes. De leur temps, la science des sociétés était réduite à un empirisme assez vague, et l’utilité sociale dont on pouvait s’aviser alors était très bornée : la Science des sociétés est fondée aujourd’hui ; aux lois statiques découvertes par Aristote se sont ajoutées d’autres lois statiques, et les lois dynamiques, complètement inconnues autrefois, viennent d’être saisies. Toutes ces découvertes dont Auguste Comte est l’auteur changent la face du problème : la sociologie est