Page:Maurras - L’Avenir de l’Intelligence.djvu/140

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
134
auguste comte

compagnes et son soleil y puissent fleurir ; il n’est pas difficile non plus d’imaginer supplémentairement que la Terre, qui était indispensable à « la suprême existence », ait voulu concourir en effet au Grand-Être. Le poète a le droit de ne pas tenir la concordance pour fortuite. Comme le savant explique les hommes par la loi de l’Humanité, l’attrait de ce Grand-Être rendra compte au poète de la subtile bienveillance des innombrables flots de l’Espace éthéré[1] et du courage que la Terre (et aussi le soleil et la lune « que nous devons spécialement honorer ») a déployé et déploiera pour le commun service de l’Humanité triomphante.

Ici, le philosophe, peut-être soucieux à l’excès de sa philosophie de l’histoire, et voulant, comme il dit, incorporer le fétichisme en même temps qu’un certain degré de polythéisme à sa religion de l’humanité, eut le tort déplorable de gâter, en leur donnant un nom malheureux, ces rêveries qui sont fort belles. Mais, avant de rire du Grand-Fétiche, — c’est le nom qu’il osa décerner à la Terre-mère, — j’aimerais que l’on consultât, moins sur le mot que sur la chose, les esprits compétents, et je veux dire les poètes. Je ne le demanderai pas à M. Sully-Prudhomme, qui n’a presque rien d’un positiviste[2]. Mais M. Charles de Pomairols, qui a parlé de la Terre avec des inflexions d’une grâce pieuse, sait fort bien le sens des termes dont il s’est servi, car il fut très bon philosophe et comtiste aussi orthodoxe que poète élégant et pur.

  1. Ou Grand Milieu.
  2. Le poète de la Justice procède évidemment de Kant.