résulte au fond de la difficulté qu’il y a toujours à se représenter la fulgurante intersection d’une pensée par un sentiment, d’une pure formule théorique par une action. Auguste Comte n’était pas fou, et plus il étonna, en avançant en âge, les hommes de son temps, plus il se rapprochait de la raison même. Cette approche vertigineuse est peut-être la plus poétique des sensations que donnent ses livres et qu’un livre puisse donner.
Rappelez-vous ces extraordinaires dessins de Léonard de Vinci, dans lesquels la courbe vivante, chef d’œuvre d’un art souverain, effleure et tente par endroit la courbe régulière, mais tout autrement régulière, qui est propre aux dessins de géométrie. Les formes circonscrites sont déjà des idées, et leur concret touche à l’abstrait, en sorte que nous nous demandons, avec un peu d’angoisse, si la vierge ou la nymphe ne vont pas éclater en un schématisme éternel. Auguste Comte éveille la même impression, mais en sens inverse : c’est la pensée méthodique, sévère et dure, qui tend à la vie ; elle y aspire ; elle en approche, comme approche de l’infini le plus ambitieux et plus agile des nombres ou, du cercle, le plus emporté des myriagones. Quelque chose manque toujours à ces deux efforts héroïques. Mais, pour tonifier la vertu, pour donner au courage l’aile de la Victoire, rien n’égale le spectacle d’un tel effort.
Nous ne serions plus des Français, ni du peuple qui, après Rome, plus que Rome, incorpora la règle à l’instinct, l’art à la nature, la pensée à la vie, si la