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Page:May - Les Pirates de la Mer Rouge, 1891.djvu/137

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les pirates de la mer rouge

Je me décidai à descendre de mon chameau pour apaiser l’affaire, et, m’adressant au fonctionnaire turc, je lui dis tranquillement :

« Voyons, Mourad Ibrahim, nous te prouvons, n’est-ce pas ? que tu ne nous fais point peur. Tu as commis, du reste, une trop grosse faute en insultant un Effendi qui voyage avec le firman impérial et que protège l’ombre du sultan.

— Toi…, tu serais sous la sauvegarde du Grand Seigneur, qu’Allah bénisse !

— Oui, moi !

— Un Nemsi, un giaour !

— Tu veux donc continuer à m’insulter ?

— Un infidèle, dont le Coran parle en ces termes : « vous, fidèles croyants, ne liez point amitié avec ceux qui ne sont pas de votre religion, car ils cherchent à vous séduire et ne souhaitent que votre perte… » Comment le Grand Seigneur, l’appui des croyants, aurait-il permis à un giaour de marcher sous son ombre ?

— J’ai lu dans la troisième sourate du Coran les paroles que tu viens de citer, je les connais, et cependant je puis te répondre en te montrant mon bouyouroultou. Ouvre les yeux et incline-toi avec respect, voici l’écrit du padischah ! »

Il prit le parchemin, l’appuya contre ses yeux, son front et sa poitrine, s’inclina jusqu’à terre et me rendit mon passeport en me disant :

« Pourquoi ne m’as-tu pas averti ? pourquoi ne m’as-tu pas fait connaître tout de suite que tu es un protégé du sultan ? Jamais je ne t’eusse appelé giaour, quoique tu sois un infidèle. Maintenant, Effendi, sois le bienvenu.

— Avec le même souffle dont tu me salues comme le bienvenu, tu insultes ma foi ! Nous autres chrétiens, nous connaissons mieux les lois de l’hospitalité : nous ne vous appelons pas giaours, et nous nous souvenons que votre Dieu est le nôtre.

— Cela n’est pas vrai, Effendi, nous n’adorons qu’Allah ; vous reconnaissez trois Dieux : le Père, le Fils et le Saint-Esprit.

— Ces trois ne sont qu’un même Dieu. Vous dites : Allah est Allah, et de même notre Dieu a dit : « Je suis le Dieu fort, le seul Dieu, » On lit dans votre Coran : « Dieu est le vivant éternel, que le sommeil ni la somnolence n’atteignent jamais, » et