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Page:May - Les Pirates de la Mer Rouge, 1891.djvu/71

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sur les bords du nil


botanistes, et les Européens en général sont censés de grands chasseurs ou d’illustres médecins.

Pour mon malheur, j’avais retrouvé dans mon bagage, en arrivant au Caire, une vieille boîte de pharmacie homéopathique presque encore pleine, ce qui me permettait de donner de temps en temps, à un compagnon de route, cinq globules à la trentième puissance. Pendant ma navigation sur le Nil, il m’était arrivé de guérir toutes sortes de maux avec un soupçon de sucre de lait ; de là une réputation énorme, un renom sans pareil ! J’étais un médecin quelque peu allié du diable et capable de réveiller les morts avec trois grains de sable !

Ma réputation tournait la tête de Halef ; il s’y croyait de moitié au moins et ne regardait plus l’espèce humaine qu’avec un superbe dédain. Heureusement cet orgueil ne nuisait en rien à son service ni à sa fidélité dévouée envers moi. On pense bien, du reste, que ma rapide renommée était due presque tout entière à ses hâbleries ; quant à son insolence envers le public, elle menaçait de devenir proverbiale. Ainsi, il s’était procuré à bas prix une cravache du Nil et ne s’en séparait plus. Il connaissait les Égyptiens depuis longtemps et prétendait que, sans cet instrument, les rapports avec eux sont impossibles, tandis qu’armé de cette magique baguette, on opère chez eux des merveilles que ni procédés aimables, ni argent n’obtiendraient. Quant à ce dernier moyen, n’en pouvant user très abondamment, j’étais bien aise de voir Halef en dispositions d’économie.

« Dieu bénisse tes paroles, Sidi ! continuait la voix suppliante de l’interlocuteur. Mais il faut absolument que je parle avec ton Effendi, ce grand médecin du Frankistan.

— Pas en ce moment.

— Il le faut, Sidi, autrement mon maître me chasserait…

— Qui est-il, ton maître ?

— C’est le riche et puissant Abrahim Mamour, auquel Allah puisse accorder mille ans de vie !

— Abrahim Mamour ! Qu’est-ce que cet Abrahim Mamour ? Comment s’appelait son père et le père de son père et l’auteur de sa race ? De qui est-il né ? où vivent ceux auxquels il doit son nom ?

— Tout cela je ne le sais pas, Sidi, mais il est un puissant seigneur ; son nom seul le dit.