Page:Mechnikoff - La civilisation et les grands fleuves historiques.djvu/15

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point que dans l’avenir les conclusions de l’auteur ne soient considérées comme définitives. Il fut un temps où les historiens daignaient à peine s’occuper de cette question, qu’ils considéraient comme attentatoire à la dignité de l’homme. La nature — s’ils condescendaient à en parler dans leurs ouvrages — n’était pour eux que le théâtre ou devait s’accomplir un drame préparé d’avance ; les fontaines et les rivières, les bosquets, les rochers et les montagnes avaient été créés pour l’usage et l’agrément des habitants du pays, de même que les allées d’un parc sont tracées pour les pas d’un maître. Il est vrai que, depuis Montesquieu, nul écrivain n’oserait nier l’action du milieu sur les races, mais on se demande quelle en est la part exacte et s’il est possible d’en faire la théorie précise. Carl Ritter, le Leibnitz de la géographie, tenta d’échapper à la difficulté en admettant entre l’homme et la Terre une sorte d’harmonie préétablie, analogue à celle que Leibnitz imaginait pour l’âme et le corps. D’après le grand géographe, qui était aussi un grand poète, tout relief planétaire, tout le corps terrestre lui-même avec son « ossature » et sa « membrure » concorderait exactement par son action avec le génie des peuples qui devaient l’habiter : les influences mutuelles agiraient incessamment de la Terre à ses peuples et de ceux-ci à leur Terre, et par ce jeu alternatif d’actions et de réactions, les destinées de