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Page:Mechnikoff - La civilisation et les grands fleuves historiques.djvu/248

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pharaonique. Pour ce travail de reconstitution de géographie proto-historique, nous ne sommes pas abandonnés aux seules ressources de l’imagination, et, sur une échelle très réduite, ce qui se passe sur le haut fleuve nous montre approximativement ce qu’était l’Égypte à l’état de nature. Ne perdons pas de vue, toutefois, que, par sa situation moins élevée au-dessus du niveau des eaux, la vallée inférieure du Nil est autrement exposée que le désert de Nubie aux caprices du fleuve. Pas plus que de nos jours, les flots débordés ne pouvaient, tous les ans, se superposer avec une précision mathématique, et toute variation dans la direction des coulées devait nécessairement bouleverser le sol, déplaçant, à toute nouvelle crue, les apports des années précédentes. Au retrait, chaque élévation du terrain offrant un obstacle à l’écoulement des eaux, chaque ravine, chaque dépression retenait une flaque devenant bientôt mare infecte, exhalaison meurtrière. Loin de ressembler à l’Égypte fertile qu’admirait Hérodote, l’Égypte « naturelle » ou primitive, ne pouvait présenter à ses premiers colonisateurs que l’image plus ou moins exacte de ce chaos primordial dont les auteurs bibliques ont peut-être puisé la notion première au pays des pharaons[1], et qui contient en son sein les éléments de

  1. Cependant cette conception du chaos, boue féconde renfermant les germes de toutes les choses et de tous les êtres, pourrait être aussi originaire de la Chaldée. (Cf. le chapitre suivant.)