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Page:Mechnikoff - La civilisation et les grands fleuves historiques.djvu/258

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ainsi dire, dans le monde supérieur, leur représentation concrète du pharaon, le mandataire du Fleuve. Non seulement à son origine même, mais encore pendant toute la première période de l’histoire égyptienne, le pharaon tient lieu de toutes les institutions religieuses et sociales[1] : Il résume et absorbe en lui seul la quintessence de la coercition dans une indivision tellement absolue, qu’il serait difficile de l’exprimer dans notre langage moderne trop précis et trop logiquement articulé. Aussi loin que nous le suivions en remontant l’histoire, cet absolutisme nous apparaît sous un jour singulièrement doux et humain ; dès les temps les plus reculés, l’Égypte semble avoir ignoré les supplices féroces qui déshonorent le despotisme patriarcal du Céleste Empire. Ce seul fait ne suffirait-il pas à prouver que, dans la vallée du Nil, le pouvoir absolu n’a jamais été contesté par ses victimes ? Mais il y a plus : pendant toute la durée des dynasties memphites, l’autorité discrétionnaire des pharaons est tellement sûre de son droit, de sa force, de sa nature divine, qu’elle ne se manifeste que par des actions absurdes, absolument inutiles ou inconsciemment préjudiciables au bien de la communauté. D’après les monuments de l’ancien empire, le rôle d’un pharaon de cette époque se réduisait : 1o à s’adresser un culte à lui-même[2] ; 2o à faire construire des pyramides, c’est-à-dire à gaspiller les vies de ses

  1. G. Maspero ; Fr. Lenormant, ouv. cités.
  2. Fr. Lenormant, ouv. cité, t. III, p. 25 (texte et gravure).