Page:Mechnikoff - La civilisation et les grands fleuves historiques.djvu/260

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eût paru un blasphème aux rois des dix premières dynasties, sous lesquelles on ne savait qu’imiter servilement l’exemple des ancêtres. Les bases de la morale avaient changé. Un pharaon voulant être autre chose que le grand prêtre de son propre culte, un pharaon se préoccupant du maintien de la bonne harmonie entre lui et ses sujets, et leur ordonnant des travaux de nécessité générale au lieu de les exténuer à la corvée des pyramides, voilà certes un fait bien remarquable : le maître veut, en quelque sorte, légitimer son rang, par des soins et des œuvres dont profitera le vulgaire. Un despote absolu qui doute de sa raison d’être divin et s’en cherche une nouvelle d’ordre utilitaire, a fait un pas décisif vers sa déchéance ; un progrès énorme a été accompli. Sans doute, les Amen-em-hat suivent encore les traces de leurs prédécesseurs ; ils construisent des pyramides, mais ces pyramides sont de brique, et leurs dimensions sont très modestes devant les géants de pierre des siècles passés.

Ce notable recul dans l’art de bâtir les nécropoles royales, cette diminution de leur volume semble à certains archéologues une raison suffisante pour affirmer que, depuis l’apparition de l’Égypte sur la scène historique, on la voit toujours décroître et déchoir[1]. Mais, aux yeux de l’historien, il est visible, au contraire, qu’une évolution éminemment progressive s’est produite peu à peu. Ce même

  1. Ch. et Fr. Lenormant ; A. Mariette.