Page:Mechnikoff - La civilisation et les grands fleuves historiques.djvu/262

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suite des siècles, tenta souvent de s’affranchir de la domination rivale. Les deux adversaires pactisent parfois pour prolonger leur commune agonie, mais n’en sont pas moins condamnés à s’entre-dévorer, deux absolus ne pouvant exister côte à côte. Puis la gangrène ne tarda pas à envahir l’un et l’autre : les compétitions dynastiques, l’ambition des monarques, la bureaucratie fatidique des scribes… toute cette lèpre dont le pouvoir discrétionnaire apporte les germes en naissant, aurait suffi pour ronger, jusqu’au dernier lambeau de chair vive, ce corps superbe autrefois, si la conquête étrangère n’était venue rejeter le pharaonisme moribond hors de l’arène historique. Mais, bien avant la chute politique de leur empire, les véritables pharaons avaient cessé d’exister : depuis l’expulsion des Hycsos et la restauration des dynasties nationales, ceux qui portaient encore ce nom n’étaient plus que les surintendants d’une administration routinière, ou plutôt de simples capitaines préposés à la sauvegarde ou à l’élargissement des frontières et au commandement des soldats. Or le divin Hapi ne portait dans sa couronne aucun symbole guerrier, et les « Dispensateurs du Nil », dès que le flot de l’histoire les eut arrachés de leur sol natal pour les lancer sur les champs de bataille, ne tardèrent guère à disparaître devant des rivaux plus jeunes et mieux armés, devant les monarques pillards de la Mésopotamie.