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LA CIVILISATION ET LE GRANDS FLEUVES

restées absolument étrangères à cette institution. Tous les savants s’accordent à dire que, même dans l’Inde, les castes étaient inconnues pendant la période ancienne : le seul passage du recueil des hymnes sacrés qui mentionne la division de l’humanité en branches distinctes, issues de différentes parties du corps de Brahma[1], est généralement regardé comme une interpolation. Le mot même de brahmane est étranger à la lexicologie védique[2], et lorsque le prêtre de profession apparaît enfin dans les chants sacrés des Aryas du « pays des Sept Rivières », il y est appelé pourohita. Le contraste entre la rigide hiérarchie du code de Manou et l’anarchie communaliste des siècles antiques est trop accusé pour n’avoir pas attiré l’attention des savants, et, depuis Burnouf, on considère l’histoire ancienne de l’Inde comme le produit de la corruption du « génie aryen » au contact des peuples dravidiens et kohlariens, que les envahisseurs védiques trouvèrent dans l’immense plaine indo-gangétique : ce sont les peuples mentionnés si souvent dans les

  1. L’hymne 89 du Rig-Veda, X, appelé Pouroucha-Soukhta : on le croit contemporain des Brahmana et des Oupanichad. Cf. Em. Burnouf, Bhagawata Pwana, t. I (préface) ; S. Roth, Brahma und die Brahmanen, dans Zeitschrift der Deutschen Morgenländischen Gesellschaft, t. I, 1878.
  2. Le nom neutre brahmàn, avec l’accent tonique, est employé dans le Rig-Veda avec le sens de « prière », de « ce qui est révélé. » On y rencontre aussi le mot brahmân, avec l’accent sur la dernière syllabe : il signifie l’homme qui dit des prières à haute voix, mais n’a pas encore l’acception de prêtre de naissance ou de caste. (Max Müller, Essais sur l’Histoire des Religions, traduits par G. Harris.)