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LA CIVILISATION ET LE GRANDS FLEUVES

le théâtre de l’histoire aryenne de l’Inde pendant toute la durée des temps védiques. Les poètes du Rig-Veda n’ont qu’un fleuve, le Sindhou (Indus) ; un seul de leurs hymnes fait mention du Gange. À l’époque brahmanique, au contraire, le rôle sacré passe à la Boura-Ganga, et tout le pays de l’ouest semble confondu dans une même réprobation. Ces deux courants, le courant indo-satledjien et le courant djamno-gangétique, se mêlent longtemps sans se réunir : la différenciation rigoureuse des castes et les privilèges exorbitants des brahmines appartiennent aux siècles de la prédominance gangétique.

Malgré la rareté des documents, malgré les altérations évidentes que ceux-ci ont subies entre les mains des brahmanes de l’époque postérieure, on peut suivre les envahisseurs aryens dans leur marche progressive du nord-ouest vers la Samoudra, vers cette informe région où l’Indus va se perdre dans une mer de boue après avoir frôlé les sables du désert. À mesure qu’ils s’éloignent des heureuses vallées du haut pays, cette superbe confiance en eux-mêmes qui leur inspira leurs plus beaux hymnes s’affaiblit peu à peu ; à la joie de vivre libres sous un ciel clément, au milieu de riches pâturages et de champs fertiles, succède la crainte de manquer de pluie. Le père de famille, et, au besoin, la mère, invoque encore pour son propre compte et n’écoutant que son inspiration, les divinités distributrices des biens, mais le culte se détourne de plus en plus d’Agni et de Soma, les paisibles patrons du