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LE HOANG-HO ET LE YANGTSE-KIANG.

les graves préoccupations des philosophes et des hommes d’État de la Chine, on s’est empressé d’attribuer un formalisme rigidement puéril au peuple qui fut l’unique champion de la civilisation dans l’Asie orientale.

Ce dernier préjugé repose sur une erreur d’interprétation. Les man-li, les « dix mille cérémonies », ne répondent nullement à nos idées européennes sur l’étiquette et les cérémonies, si du moins on ne veut soutenir que l’étiquette seule nous empêche de marcher à quatre pattes, comme il en prenait envie à Voltaire en lisant Jean-Jacques Rousseau, et que nous ne dévorons pas nos semblables, seulement grâce aux cérémonies. Le li est, chez les Chinois, une sorte de religion civique ; il embrasse l’ensemble des innombrables usages qui distinguent l’homme civilisé du barbare. Or, chez les Orientaux, comme dans notre Europe, cette différence ne porte pas uniquement sur les actes graves et solennels, mais sur les occurrences les plus banales de la vie journalière ; l’homme de travail et d’étude se comporte tout autrement que le chasseur des bois ou le cavalier nomade de la steppe. La Chine comprit dès les premiers temps sa mission, qui était de tenir haut le drapeau de la civilisation dans un pays où, de trois vents des cieux, la menaçaient sans cesse les pâtres et les batteurs d’estrade des hauts plateaux, les barbares couverts de peaux de bêtes ou de peaux de poissons, Miao, Lolo, etc., au langage à peine articulé, et tous ces Si-fañ (barbares occi-