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LE HOANG-HO ET LE YANGTSE-KIANG.

produire dans un milieu qui ne condamne point ses occupants à cette solidarité à outrance que nous avons vu brutalement imposée partout sur les bords de nos Grands Fleuves historiques ; mais il est possible de concevoir un milieu qui possède cette qualité première, rigoureusement requise par l’histoire, sans que pour cela il soit baigné par un fleuve ou par un système de fleuves.

Je ne connais point, dans l’Ancien Monde, ne fût-ce qu’un exemple unique de ces milieux exceptionnels ; et si, dans les deux Amériques, nous voyons la civilisation fuir les bords des grands fleuves, ce fait par lui-même ne constitue pas encore un de ces écarts dont je viens de parler, puisque ni le Mississipi ni l’Amazone, bordés jadis de marécages et de fausses rivières qui les rendaient inabordables, ne possèdent les propriétés d’un Nil ou d’un Hoang-ho.

Les régions peuplées de l’Amérique où se sont rencontrés des phénomènes analogues à ceux des grands fleuves de l’Ancien Monde sont les plateaux lacustres de l’Anahuac et de la Bolivie, où de vastes mers intérieures au niveau changeant, tantôt diminuées par les sécheresses, tantôt gonflées par les pluies, ne pouvaient devenir des agents de civilisation que grâce au labeur solidaire de toutes les populations riveraines. Mais les civilisations locales qui se sont produites sur ces hauteurs se trouvaient condamnées à rester en dehors du grand domaine de l’histoire par leur isolement dans les bassins