Page:Mechnikoff - La civilisation et les grands fleuves historiques.djvu/392

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
364
LA CIVILISATION ET LE GRANDS FLEUVES.

été, toujours et partout, invariablement, les riverains de quelque grand fleuve « à catastrophes ». Chacune des quatre grandes monarchies de l’antiquité nous a apparu comme un corollaire du système hydrologique du pays qui lui a servi de berceau, et l’histoire, dans tout l’Ancien Monde, a été une corvée imposée à une partie du genre humain par certaines particularités orographiques du Milieu.

Je suis loin cependant d’en conclure à une sorte de fatalisme potamique. Car si, dans l’immense zone que nous venons de parcourir et qui a toujours été la zone par excellence de la civilisation et du progrès, le Milieu s’est trouvé être invariablement le vrai créateur de l’histoire, le Fleuve n’a eu d’importance à nos yeux que parce que, en Égypte et en Chine, dans l’Inde ou en Mésopotamie, il a été comme une synthèse vivante des conditions géographiques les plus multiples. Tel a été le cours normal des choses ; mais nous ne devons pas perdre de vue que, seule, la loi générale n’admet point d’exception, tandis que toute évolution normale est sujette à des déviations, à des accidents nombreux, et que jamais un phénomène naturel ne se présente avec la simplicité et la monotonie d’une expérience de physique faite méthodiquement dans un laboratoire. L’exemple éloquent des quatre grandes civilisations antiques me semble suffisant pour démontrer que jamais, dans aucun pays du monde, un épanouissement historique important ne saurait se